Crédit: Stella Attiogbe

«En attendant le vote des bêtes sauvages», d'Ahmadou Kourouma

En attendant le vote des bêtes sauvages, Ahmadou Kourouma

En attendant le vote des bêtes sauvages est mon gros coup de cœur de ce début d’année. Je ne crois même pas que je viens d’écrire cette phrase. J’ai une histoire particulière avec ce livre. Il m’a été recommandé par un gentil monsieur dans l’avion. Et il m’a fait promettre de le lire. Quelques années plus tard, j’ai tenu ma promesse, M. Vivien ! 🙂

Pourtant, les choses n’ont pas si bien commencées. Et n’eut été cette promesse, et ce challenge que je me suis lancé (#LireUnLivreenUnmois), je ne l’aurais pas fait. Ce livre est très lourd. Super lourd à digérer. J’ai envie de dire que les cent premières pages sont incompréhensibles, pour moi en tout cas. Je me demandais si j’allais tirer quelque chose de ce livre. Pour vous dire vrai, je suis contente d’avoir été patiente. J’ai ai-mé ce livre et j’ai appris tellement de choses sur l’Afrique, ses présidents, et sa période post-coloniale. Bref, on y va ?

En attendant le vote des bêtes sauvages : Les origines de Koyaga

En attendant le vote des bêtes sauvages, Ahmadou Kourouma

Spoiler Alert ! En même temps, ce n’est pas un spoiler, parce que tous ceux qui ont lu le livre vous diront de quoi il s’agit exactement. Et ce n’est clairement pas de bêtes sauvages. Enfin, un peu. Mais je ne vous le dirai pas.

Le livre se découpe en six veillées. Au cours desquelles, on a un griot qui raconte l’histoire de Koyaga, maître chasseur et cruel dictateur africain (un pléonasme).

Le récit démarre très lentement. En effet Koyaga est un grand homme, un de ceux qui marquent l’histoire. Il est si important qu’avant de l’introduire, on doit connaître ses géniteurs. L’auteur commence donc par nous parler de ceux-là même, qui ont conçu Koyaga, et ce, dans les moindres détails. Son village, ses danses, ses lutteurs de parents, on sait tout de notre futur père de la nation.

Il est maintenant temps de l’introduire. Sa naissance, son enfance récalcitrante, son service militaire, ses médailles, ses frustrations. Le personnage se développe ainsi, petit à petit.

L’ascension de Koyaga et les pères dictateurs

Du fétichisme, beaucoup de magie noire, de coups bas, d’émasculations et de sang. Les personnages clés de l’histoire sont introduits de façon inattendue, anodine, mais leur importance dans l’acte final se révèle cruciale. Rien n’est prévisible dans ce roman d’Ahmadou Kourouma, et c’est ce qui intrigue.

De retour de guerre dans son pays natal, Koyaga s’attend à recevoir son dû. Mais le nouveau président de la République du Golf voit les choses différemment. Il refuse. Il crée ainsi une frustration chez les anciens combattants. Koyaga s’érige en chef de cette bande de rebelles, accompagné de sa meute et de sortilèges, il fomente un coup d’état. Avec succès.

Une fois sur la plus haute marche du pays, Koyaga entouré de ses partenaires de vie, se révèle être différent, encore plus fort. Et pour rester sur cette marche, on se rappelle et on apprécie beaucoup cette tournée initiatique qu’il entreprend afin de rencontrer ses homologues, ses pairs (les autres présidents africains). Totem caïman, léopard, hyène, lui-même totem faucon. Des secrets sont révélés, des méthodes inimaginables, qui nous expliquent comment nos dictateurs conservent le pouvoir, injustement acquis.

Homme invincible, intouchable, Koyaga se révèle aussi être un adversaire de taille. Il surprend les autres dictateurs, son peuple et le reste du monde. Pour rester intouchable, il peut compter sur sa mère Nadjouma et le marabout Bokano, tous deux versés dans une sorcellerie profonde. Il a aussi une façon particulière de traiter avec ses adversaires. Après les avoir tué, il les émascule. Rien que ça.

Un roman intelligent, qui révèle au grand jour failles et cruautés de la politique africaine, pendant la période de la guerre froide.

Le style particulier d’Ahmadou Kourouma

C’est un style unique, qui peut être difficile pour des lecteurs en herbe. J’ai envie de dire, soit on accroche, soit on accroche pas. On retrouve ce même style et cette narration dans Les soleils des indépendances.

Notre auteur est beaucoup versé dans la satire. On constate aussi qu’il est un grand fan de la tradition orale. En attendant le vote des bêtes sauvages vire très vite de l’épopée à la satire. Plus on s’enfonce dans le récit, plus le héros perd toutes ses qualités. Il devient un simple homme, certes aux pouvoir surnaturels, mais totalement détestable.

Que dire des nombreux proverbes qui remplissent le livre ? Bien que certains soient hilarants, d’autres sont très profonds. Mais ils restent vrais et décrivent parfaitement, avec un sens caché, l’histoire qui se déroule sous nos yeux.

Pour finir en beauté

C’est un livre à lire, avec beaucoup de patience. Certainement, vous devrez lire des passages plusieurs fois avant de pouvoir les cerner. Vous aurez aussi l’impression que c’est trop long, que l’auteur s’attarde sur des choses inutiles. Mais patience, tout fait sens.

Donnez une chance à ce grand livre, vous ne regretterez pas. Je l’ai fait, et c’est donc avec grand plaisir que je lui donne la note de 8/10.

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Auteur·e

stellabazar

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